PORTRAIT 1 : Jean-Michel Hellio, salarié de l’Association
« Heureusement que le cinéma est né muet, ça l’a obligé à inventer un langage »
Le parcours
Jean-Michel nait en Normandie, débute ses études à Caen et les poursuit à Paris (la Sorbonne). Après un DEA Esthétique et Sciences de l’art il y produit une thèse de doctorat sur « L’ambivalence baroque : une esthétique picturale au service d’une représentation cinématographique ».
Parallèlement, il commence à enseigner à l’Université en tant que chargé de cours puis Attaché d’Enseignement et de Recherche : mise en scène, analyse de l’image fixe, travaux dirigés et pratiques d’écriture scénaristique…
Il est très actif au sein du Comité de Rédaction de la revue universitaire Eclipses, qui existe toujours, avec deux numéros par an : un consacré à un.e cinéaste contemporain.ne, et un autre centré sur un.e cinéaste du patrimoine.
Il écrit également dans d’autres revues, et se rapproche des actions d’Education aux images réalisées dans les lycées – un univers qu’il connaît bien pour avoir été maître d’internat quand il était étudiant.
Les règles du jeu universitaire, les luttes de pouvoir, le fonctionnement des jurys… tout cela ne lui convient guère et il renonce à la perspective d’une carrière universitaire. C’est alors que surgira la rencontre avec Ciné Cinéma.
La rencontre avec Ciné Cinéma
Une nouvelle opportunité professionnelle de sa compagne ayant entraîné le couple en Dordogne, Jean-Michel fait la connaissance de Ciné Passion, qui l’oriente vers Ciné Cinéma au moment où l’association envisage de créer un poste de salarié. La situation est difficile, un premier projet d’indépendance vient d’échouer, l’association sous sa première forme a implosé, mais une petite équipe tente de la reconstruire autrement.
C’était il y a 19 ans.
« Au début, c’était très fragile » explique-t-il, « cela m’a plu car il y avait un défi : reprendre le contrôle de l’association face à un multiplexe qui ne la prenait pas du tout en considération ». Il y a eu des épisodes très mouvementés, puis les équipes se sont renouvelées à Cap Cinéma, et le contexte général est devenu favorable, ce qui a permis au cinéma Art et Essai de se développer.
A une époque, Ciné Cinéma programmait 45 séances par semaine, avec des doubles programmations, et recevait 10% des recettes.
La dernière convention, avec le groupe CGR cette fois, a tout remis en cause.
Quel rôle dans l’association ?
Pendant toutes ces années, Jean-Michel a d’abord voulu consolider un maillage territorial sur le Grand Périgueux. Il lui est apparu indispensable de communiquer avec l’extérieur, d’élargir comme d’approfondir, de toucher les champs social/ culturel/ associatif… toutes les activités présentes, puis de prendre contact avec les établissements scolaires pour enraciner Ciné Cinéma.
A défaut d’un lieu, une identité Ciné Cinéma s’est installée puis imposée. Il a bien fallu 7, 8 ans pour construire cela. « Aujourd’hui, on fait du sur-mesure avec les différents acteurs du territoire ».
Depuis, l’association éditorialise, en veillant à rester ouverte à tout ce qui émerge, et aux publics actuellement hors cinéma.
Le rôle de Jean-Michel aujourd’hui :
- bâtir une programmation mensuelle en s’assurant que chaque film rencontrera son public, aller chercher des partenaires si besoin, identifier les leviers autant que les obstacles;
- répondre à des Appels à Projets, dont les contenus viendront également nourrir en miroir la programmation en salle (environ un quart des films par mois);
- pour cela, systématiser la veille documentaire et s’appuyer sur des tableaux de bord adaptés aux enjeux.
L’objectif : faire converger les divers points de vue pour une programmation plurielle, riche et inattendue, des animations et médiations variées en salle (7 soirées par mois en moyenne !).
Jean-Michel pilote par ailleurs les actions et médiations d’Education aux images de l’association et intervient régulièrement au sein des établissements scolaires dans le cadre de boucles/parcours de programmation spécifique. Des temps dédiés aux étudiants, en l’occurrence des conférences thématiques ou des médiations en salle (FFF : Fictions- Frictions – Frissons) sont également déployés.
La relation au cinéma
Dans l’enfance, Jean-Michel ne fréquente pas les salles, mais découvre avec intérêt les nombreux films de qualité proposés par la télévision; il est un adepte du Cinéma de minuit, par exemple.
Il se nourrit également de nombreuses lectures, de visites dans les musées, les expositions. Son premier centre d’intérêt, c’est l’image. Comprendre les enjeux et articulations de l’image, que ce soit au travers du design, de la peinture, de la publicité, le passionne.
Pour cette raison, il demeure un grand amateur du cinéma muet, qui à ses yeux est indépassable. « Heureusement, fait-il remarquer, que le cinéma est né muet, ça l’a obligé à inventer un langage. » Le cinéma, poursuit-il, s’est développé dans une période de foisonnement artistique et a su créer des formes nouvelles issues de la combinaison des médiums, bref, une esthétique nouvelle.
Quelques réalisateurs, au fil des années, ont fait œuvre de créateurs eux aussi, avec des propositions filmiques audacieuses, réinventant la modernité. Il y a eu une période de liberté, durant laquelle les cinéastes osaient bousculer les formes.
Jean-Michel cite, en vrac, Fellini, Lynch, Cimino, Kitano, Wong Kar Wai… mais aussi Michael Mann, James Gray, Jeff Nichols dans une dimension plus contemporaine. Un film comme Psychose (dont il a parlé la veille de notre entretien lors de la soirée) apporte lui aussi éléments de rupture, nouveaux et passionnants.
S’il devait choisir un réalisateur, Jean-Michel irait vers Michael Cimino, « un franc-tireur ». Le cinéma d’aujourd’hui lui semble souvent un peu fade, il a du mal à y découvrir de nouvelles émotions esthétiques.
Et demain ?
Un espace de rencontres, qui ferait exister les avant/après des projections, est semble-t-il souhaité par de nombreux personnes parmi les adhérents.
Cependant, Jean-Michel avance que l’avenir va en grande partie se décider via les équipes municipales (actuelles, puis résultat des prochaines élections), et le C.N.C., qui aura son mot à dire quant à l’éventualité d’une nouvelle salle de cinéma.
Les propos tenus dans ces entretiens n’engagent que leurs auteurs, pas l’Association dans sa globalité.