article paru antérieurement sur le facebook de l’association
Elle est le personnage central du film Le ravissement, cette semaine sur les écrans de Ciné Cinéma…
Dès sa première apparition, dans le touffu « La graine et le mulet », de Abdellatif Kechiche, Hafsia Herzi a éveillé mon intérêt.
Cette jeune fille était… différente. Il y avait chez elle une densité et une intensité peu communes.
Très tôt intéressée par la comédie, elle tente de se faire une place dans l’univers des téléfilms et des séries TV, sans grand succès… quand, à 18 ans, elle décroche le rôle qui va faire décoller sa carrière. Pour le jouer, elle prend 15 kg (chapeau !) et apprend la danse orientale (pas mal non plus, non ?).
Récompensée à de multiples reprises pour son jeu dans La graine et le mulet, Hafsia Herzi se saisit de l’occasion pour prendre son indépendance par rapport à sa famille et s’installe à Paris.
Depuis, elle n’a cessé de faire des choix audacieux, parfois heureux parfois moins certes, mais qui témoignent d’une sacrée indépendance d’esprit et d’une volonté farouche de tracer son propre chemin.
Elle accepte de nombreux premiers films, va vers des réalisatrices et réalisateurs confidentiels, tourne dans différents pays du monde arabe.
On la voit dans le troisième long métrage d’un cinéaste qui ne laisse personne indifférent, Alain Garaudie : Le roi de l’évasion, une histoire d’amour à rebours des conventions (il a 43 ans et est homosexuel, elle est une adolescente folle de lui). En 2011, Bertrand Bonello la choisit pour peupler, aux côtés de Céline Sallette et Adèle Haënel le terrible L’Apollonide, souvenirs de la maison close.
En 2017, dans L’amour des hommes, de Mehdi Ben Attia, elle est Amel, une jeune veuve tunisienne qui, encouragée par son beau-père, décide de photographier des hommes inconnus croisés dans la rue, parfois dans un style érotique. Une manière frontale d’interpeler la société tunisienne sur la place qu’elle réserve aux femmes et aux artistes.
Droite toujours, résolue, parée de l’encre de sa chevelure.
Elle retrouve Abdellatif Kechiche pour les deux versants de Mektoub, my love, dont Les Cahiers du Cinéma écrivent : « Kechiche cache sous un film mineur une ambition énorme : filmer la vie lorsque rien de spécial ne s’y passe mais que toute nouvelle journée est chargée de la promesse vague, lancinante qu’il pourrait arriver quelque chose. » – ce qui n’est pas sans rappeler certain discours du personnage joué par Fabrice Luchini dans Les nuits de la pleine lune, d’Eric Rohmer…
Mais Hafsia Herzi ne se contente pas des rôles qu’on lui propose, et elle passe à la réalisation.
Pour le moment, après un galop d’essai sous la forme d’un court-métrage (Le Rodba, en 2010), deux films et un téléfilm à son actif : Tu mérites un amour, un beau portrait de femme « lumineux et libre » (Positif) en 2019; Bonne mère en 2021 qui rend hommage à une « mère courage » marseillaise à la « ténacité radieuse » (Libération), et La cour (sorti sur Arte), dans lequel la comédienne et réalisatrice « touche à l’enfance dans sa cruauté et ses dynamiques intimes » (Les Inrockuptibles).
Bonne nouvelle, un quatrième est en préparation, sortie prévue pour 2025. Et l’année prochaine, deux films mettront en avant Hafsia Herzi : Borgo de Stéphane Demoustier (oui oui, le frère de sa soeur), et Dans le viseur d’André Téchiné (rien de moins !).
Chic alors.