cet article est paru antérieurement sur le facebook de l’association
Elle a le visage marqué, fatigué, d’une femme de 79 ans, d’une femme qui a vécu sa vie sans recourir à la chirurgie esthétique, et qui ne se dissimule pas sous le maquillage. Le visage d’une femme qu’on pourrait dire sans coquetterie, mais peut-être sa coquetterie consiste-t-elle à se montrer telle qu’elle est.
A des années-lumière de Joan Collins (90 ans), Jane Fonda (86 ans), Sophia Loren (89 ans), Catherine Deneuve (80 ans), Ursula Andress (88 ans) ou Claudia Cardinale (85 ans)…
Elle porte ses 79 ans, et pourtant, elle tourne…
Elle joue dans Double foyer, le premier film de Claire Vassé, et dans Dans la peau de Blanche Houellebecq, de Guillaume Nicloux, tous les deux sur nos écrans en ce moment. Mais on l’a vue aussi, très récemment, chez Michel Gondry (Le livre des solutions), et chez Gallien Guibert (Rien ni personne).
En fait, elle n’a jamais vraiment cessé de tourner, même si les années 80 et 90 furent un peu clairsemées.
Au total, en 2024, elle compte des rôles dans 67 longs métrages, 29 courts-métrages et 11 réalisations pour la télévision. Elle a arpenté les planches dans 8 pièces de théâtre, dont une (La vie est un songe, de Calderon) en tournée pendant 3 ans.
En 2011, elle a réalisé un moyen métrage documentaire, Crazy quilt : « Autobiographie filmée où le ‘je’ se présente chahuté, façon patchwork. À l’aide de quelles pièces, celles récoltées au cours de son retour en Angleterre, sur les lieux de ses séjours de jeunesse, à la recherche de sa correspondante britannique. Mais cela est prétexte à remémoration plus ample, qui mène des souvenirs précis d’une jeune fille, à l’imaginaire si singulier de toute une île. » (site film-documentaire.fr).
Une carrière sacrément bien remplie, non ?
Bien sûr, nous avons tous en tête la Françoise Lebrun-Véronika de l’inoubliable La maman et la putain, que Jean Eustache tourna en 1973. Sur nos écrans personnels, Françoise Lebrun-Véronika tire inlassablement sur sa cigarette, rejoint en catimini sa petite chambre d’infirmière en entraînant Jean-Pierre Léaud-Alexandre, déverse des insultes sur celui-ci et Bernadette Lafont-Marie, pleure et parle, parle et pleure. Se lance dans un infernal monologue. Encore.
Ce formidable souvenir ne doit pas pourtant nous cacher les autres belles prestations de Françoise Lebrun, elle qui pourtant ne pensait pas devenir actrice, mais plutôt réalisatrice. On l’a vue par exemple dans le résolu Souvenirs d’en France, d’André Téchiné, dans de nombreux films de Paul Vecchiali et dans ceux de Michèle Rosier. Guillaume Nicloux a fait appel à elle à plusieurs reprises, et Arnaud Desplechin l’a portée au générique de son magnifique Trois souvenirs de ma jeunesse.
Au cours d’un entretien sur France Culture le 23 février dernier, Françoise Lebrun fait une jolie « déclaration » à Guillaume Nicloux : « Je remercie beaucoup Guillaume parce qu’à chaque fois, il me fait des propositions auxquelles je n’aurais vraiment jamais pensé. C’est joyeux quand quelqu’un fait ça avec vous. Quand, pour un des films, il me propose d’être la femme de chambre qui entend des voix, je dis, ah formidable ! Et puis après, je suis la mère supérieure dans un autre film, très bien ! C’est quelqu’un qui va au-delà de l’apparence des gens. Il n’y en a pas des kilos. »
Que dire, sinon : continuez !