
cet article est paru antérieurement sur le facebook de l’association
J’ai longtemps cru, lorsque je lisais ou entendais « Denis Ménochet », qu’il s’agissait de l’acteur Bruno Lochet… sous prétexte d’un même « ochet » à la fin de leurs noms respectifs. Oui, je sais, c’est n’importe quoi, merci de ne pas le répéter…
Lorsqu’enfin mes yeux se sont décillés, je me suis rendue compte que Denis Ménochet avait endossé des rôles complexes dans des films passionnants, et qu’il était temps que je regarde tout cela de plus près.
Bruno L… a ses qualités et une carrière parfaitement honorable, mais c’est donc bien Denis Mén… qui fait l’objet de votre chronique hebdomadaire.
A 47 ans, Denis Ménochet présente une silhouette imposante. Un corps massif et puissant, des yeux lourds dont le regard peut se faire tendre et bienveillant, mais aussi dur et menaçant, des sourcils parfaitement dessinés et un nez droit… un homme qui ne passe pas inaperçu.
Les personnages qu’il a incarnés ne sont pas non plus de ceux qu’on oublie.
Néo-maraîcher dans un environnement inhospitalier dans le remarquable As bestas, de Rodrigo Sorogoyen (2022), il nous a scotchés. Mais il avait déjà endossé des rôles atypiques : souvenons-nous de l’excessif metteur en scène Peter von Kant (François Ozon, 2021), du paysan angoissant de Seules les bêtes (Dominik Moll, 2019), de l’adulte fracassé par les abus sexuels vécus enfant dans Grâce à Dieu (François Ozon, 2018) ou du père violent de Jusqu’à la garde (Xavier Legrand, 2017)… Nous ne sommes pas franchement dans le registre des rôles passe-partout. Il faut oser se glisser dans la peau de personnages aussi peu aimables, et être un sacré acteur pour en faire soupçonner la profondeur, en faire pressentir les vertiges.
Avant d’en arriver là, Denis Ménochet a beaucoup travaillé, avec des réalisateurs prestigieux : Wes Anderson, Quentin Tarantino, Ridley Scott, Stephen Frears… Vous l’aurez remarqué, des Américains et un Anglais. C’est que le comédien, dont le père était ingénieur dans l’extraction pétrolière, a vécu son enfance et son adolescence aux quatre coins du monde : Texas, Norvège, Argentine, Uruguay et Emirats arabes unis. De quoi lui inculquer une vision large de la vie, et de son avenir. Quand il choisit de devenir comédien, il apprend à jouer en français et en anglais, à l’école Acting International.
Aussi, s’il débute à la télévision française dans les sketches de Caméra Café, il est rapidement sollicité par les cinémas anglais et d’outre-atlantique; ce sont les aventures Hannibal Lecter : Les origines du mal, de Peter Webber, puis Inglorious Bastards de Quentin Tarantino. Tout s’enchaîne, et Denis Ménochet tourne beaucoup, avec Julie Delpy, avec François Ozon, avec Mélanie Laurent, et beaucoup d’autres. On le voit également à la télévision, et dans de nombreux courts-métrages.
Denis Ménochet s’investit énormément sur les tournages, quitte à atteindre ses limites physiques. Il raconte par exemple sur le site troiscouleurs.fr , à propos du film As Bestas :
« J’ai quand même fini avec un masque à oxygène après le tournage d’une séquence. Je ne savais plus où j’étais, je suis tombé dans les pommes. Le plan était long, la caméra se rapprochait de moi et on était dans un effort physique intense, et j’ai vu tout rouge. Mais la scène est réussie, et c’est tout ce qui compte. Moi, j’adore ça. Plus on me donne des choses dures à jouer, plus j’y vais et plus j’ai l’impression de vraiment faire mon travail. »
Cependant, comme de nombreux acteurs, Denis Ménochet reste toujours inquiet. Sur le même site, il explique un peu plus loin : « Je fais cette comparaison avec les tortues qui vont pondre des œufs sur la plage : d’un coup les œufs éclosent, les petites tortues vont vers la mer et il y a des oiseaux qui en dévorent plein. Pour une petite tortue Meryl Streep qui arrive jusqu’à la mer, il y en a trente ou quarante qui ont été dévorées. Je pense à ça, et je me dis que je vais me faire dévorer. »
Mais nous, les spectateurs, n’avons pas du tout envie qu’il se faire dévorer…