cet article est paru antérieurement sur le facebook de l’association
Cette semaine, sur les écrans de Ciné Cinéma, Grégory Gadebois est un prêtre bienveillant dont les choix vont être remis en cause.
L’acteur commence à nous être familier, ce qui serait la moindre des choses après une soixantaine de prestations au cinéma.
Il y a, disons-le tout net, un mystère Gadebois…
Devant son nom, nombre d’amateurs de cinéma prennent un air intrigué ou remarquent « qui est est-ce ? »,« ce nom me dit quelque chose, mais… ».
Or Grégory Gadebois présente une filmographie impressionnante, a énormément joué au théâtre (il a été pensionnaire de la Comédie Française), et, dans ses moments perdus, dans moults téléfilms et séries télévisées.
Un boulimique de travail, que le cinéma a récompensé une seule fois (le théâtre l’a davantage mis en lumière), avec un César du meilleur espoir masculin pour Angèle et Tony, d’Alix Delaporte, en 2012. Espoir… c’était quand même son 11ème rôle.
D’où vient le (partiel, n’exagérons pas non plus) phénomène d’invisibilité qui frappe Grégory Gadebois ?
Un coup d’oeil sur sa filmographie nous apprend qu’il est par exemple présent chez Yves Angelo, Yvan Attal, Philippe Garrel, Marc Dugain, Régis Wargnier, Benoît Jacquot, René Féret, François Dupeyron, Edouard Baer, Michel Hazavanicius, Anne Fontaine, François Ozon, Yolande Moreau… et même Woody Allen. Pas tout à fait des inconnus.
L’aurait-on cantonné aux seconds voire troisièmes rôles ? Pas du tout, dans nombre des oeuvres à son palmarès il fait partie des acteurs principaux, ou joue le personnage central. Il a tout de même incarné François Hollande dans Présidents, d’Anne Fontaine, en 2021 !
Son jeu serait-il sans intérêt ? Non plus. Il compose avec finesse des personnages auxquels on croit immédiatement. Il fait partie de ces acteurs qui emportent l’adhésion. Quel que soit son rôle, on a envie de le suivre, de l’écouter, de le regarder, on le sent sincère et entier dans son jeu. Son corps massif, exprime beaucoup : sa manière de marcher, de se déplacer, d’aller vers les autres, de se retenir, d’occuper l’espace…
« Quand on fait un policier, il faut se renseigner sur la gestuelle de sa fonction. Parce que le métier des gens, souvent, ce n’est pas qu’un métier. C’est aussi une manière de voir le monde. » explique-t-il au cours d’un entretien sur France Culture ( février 2023).
Certes, le comédien a participé à des projets souvent singuliers, à des films d’auteurs pointus, qui ne déplaceront pas les foules.
Je me demande tout de même s’il n’est pas victime du syndrome de la « girl next door », version « gars d’à côté ». Les Américains utilisent cette expression pour signifier une représentation archétypale… que par définition on ne remarque pas.
La plupart d’entre nous auraient ainsi l’impression de l’avoir croisé à la caisse du supermarché, ou attendant sa progéniture à la sortie de l’école fréquentée par nos propres enfants…
Et puis l’homme est modeste, discret, ne délivre pas de grande théorie sur le métier d’acteur, ne bouscule personne pour passer devant…
Grégory Gadebois est né en Normandie, à Gruchet-le-Valasse -un nom qui ne s’invente pas- il y a 47 ans.
Mauvais élève, grand taiseux, il envisage la Légion Etrangère, mais il devient déménageur, une activité qu’il exerce pendant deux ans. Et puis il se rend à un cours de théâtre auquel sa mère (qu’elle soit remerciée) l’a inscrit, « sans doute pour me civiliser un peu » dit-il au Monde pour le beau portrait que le quotidien lui consacre en janvier 2013. Et sa vie change.
A jouer, il se sent bien. « (…) insensiblement, il s’est passé quelque chose de magique. Dans ce fait d’être acteur, tout ce qui m’avait handicapé semblait devenir une grâce… ».
En octobre 2018, France Culture le présentait en ces termes : « Grégory Gadebois a fait de la délicatesse la corde sensible de son art d’acteur. Celle-ci consiste en un certain timbre de voix, une présence singulière sur scène ou à l’écran (…) ».
Le plaisir qu’il éprouve à endosser les rôles qu’on lui confie vient aussi de la confiance qu’il accorde aux professionnels qui l’entourent : « Si un metteur en scène que j’estime ou avec qui je m’entends bien venait me voir en me disant « pour moi la reine d’Angleterre c’est toi, veux-tu la jouer ? » je serais partant. » (le Journal des femmes, décembre 2021).
A notre tour de lui faire confiance.